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Monday, January 12, 2015

12 Janvier 2010, Qui s'en souvient?

   

12 janvier 2010, 4 heures 53. Environ deux minutes m’ont permis de me distancer de mon lieu de travail dont le volume dressé par Albert Mangonès s’est transformé en montagne de déblais liant objets et âmes depuis lors. Environ deux minutes pour constater que tout autour n’était que débris, poussière et concert de cris, de soupirs que de gémissements atroces. Pour marcher au milieu de fracturer, d’estropiés, et de corps inertes pour me rendre chez moi dans cette cité où les véhicules ne valaient plus à rien. Cet après-midi-là, quand la terre a tremblé et secoua tout espoir avec elle ; laissant tant d’appauvris, d’orphelins, de souffrants, d’affecter, de croyants-prophètes et de schizophrènes…
Qui s’en souvient ?
Déjà cinq années où nous continuons presque tous avec les mêmes pratiques alors que les mêmes risques planent. Pas d’autorité compétente pour faire accepter un plan d’urbanisme ni des normes de lotissement ou de construction. Les maisons fissurées sont maquillées et affermées au prix fort à des nouveaux candidats à l’ensevelissement sous les décombres. Les soi-disant contremaitres remplacent les architectes et ingénieurs pour la plus belle. Même l’environnement du Morne Saint Christophe lieu de mémoire des victimes est anarchiquement construit.


Les enjeux sont quoi ?
Au cas où nous l’aurions oublié l’enjeu, permettez que vous fasse un rappel : Haïti est traversé par deux principales failles sismiques (faille du sud qui est une faille décrochant autorisant un mouvement de l’ordre de 7mm l’an et la faille septentrionale) et de multitude d’autres failles dont celle qui avait déclenché le tremblement de terre de 2010 qui a causé environ 250 000 morts et plus de 300 000 blessés ; plus de 105 mille maisons détruites et 208 000 autres endommagées Contrairement à ce que disent certaines personnes, il n’y a pas d’endroit en Haïti qui ne soit soumis à des failles ou des cônes d’épandage (voir carte en bas). Cette petite carte pourrait vous en convaincre.  Alors, tremblement de terre, il en a eu et il en aura dans l’éventualité d’atteindre un niveau de magnitude de 8 à l’échelle de Richter. Depuis 1564 à Mars 2014, Haïti a connu au moins  15 séismes dont les plus meurtriers sont ceux de 1751, 1770, 1842,  1904 et 2010.
En plus des séismes majeurs, le pays est exposé aux cycles de cyclones et d’inondations puisque, situés dans le bassin des caraïbes nous sommes soumis à ces aléas sismiques et climatiques. Pouvons-nous donc nous permettre d’ignorer sur quoi nous marchons quand nous vaquons à nos activités alors que le peuple n’arrive pas à faire la transition de sa phase théologique dont parlait Auguste compte pour entrer dans la phase positiviste et enfin prendre son destin en main?
Le séisme du 12 janvier 2010 à entrainer derrière lui en plus que les centaines de milliers morts mais un ensemble de concepts dans le vocabulaire de planification territoriale en Haïti comme reconstruction, refondation, réhabilitation, rénovation urbaine, relocalisation, urbanisme et que sais-je encore ? Qui peut nous dire en quoi l’État haïtien, les collectivités territoriales et la société civile se sont vraiment impliqués pour que dans l’éventualité d’un nouveau tremblement de terre, qu’on ait moins de pertes en vies humaines et matérielles ? N’est-ce pas que les principaux responsables se comportent jusqu’ici comme des mineurs ? Les luttes pour des intérêts politiques immédiats semblent l’emporter sur les plans et programmes de développement à moyen et long terme alors que principaux médias semblent aussi se laisser emporter par le courant du sensationnalisme politique négligeant les grandes questions qui tuent ou bien le relèguent à la rubrique routinée de commémoration annuelle.  Pourtant, on pourrait rien qu’avec quelques mesures sérieuses réorienter les pratiques de construction dans le pays, rediriger l’argent gaspillé dans la propagande politique à sensibiliser la population sur le comportement à garder face à la situation de vulnérabilité dans laquelle évolue le pays. Dans un Haïti soumis à des problèmes sociaux liés à la misère, la promiscuité, les mouvements de populations et d’autres problèmes liés aux risques naturels multiples, les principes d’urbanisme constituent le principal rempart pour nous empêcher de revivre ce que le pays a vécu par le passé. Mais pour appliquer les principes d’urbanisme et freiner l’utilisation anarchique de l’espace, il faut bien que les institutions de l’État soient dirigées par des gens compétents et conscients des enjeux.

Car, après cinq années de la grande catastrophe, tout haïtien s’attendait à voir que le pays allait finalement décoller avec toute cette solidarité internationale en dépit de l’implication gourmande des ONGs. On espérait qu’on allait construire mieux, vivre avec plus de solidarité et de clairvoyance. Pour ce, des mesures étaient incontournables. Mais, quelle administration municipale voudrait et voudra les prendre et les faire appliquer ? En voilà quelques-unes :
  • Délimitation par les mairies des zones propices à la construction et assurance du respect des principes de lotissement fonction de la géomorphologie des villes telle que décrite dans la loi de 1982 ;
  • assurance le contrôle de qualité des matériaux utilisés dans la construction ;
  • responsabilisation des spécialistes de la construction en exigeant un cahier des charges complet pour les différents types de constructions ;
  • détermination des distances admises entre les bâtisses et priorisation des espaces verts ;
  • Prise de mesure pour alimenter les logements en eau potable, électricité et en dispositif de gestion des déchets ;
  • animation de simulation en prévention des aléas sismiques à l’école, dans les medias et les lieux publics.
Il est grand temps que la politique de l’anarchie et du populisme cesse de façonner l’avenir de l’utilisation spatiale en Haïti. 12 janvier 2010- 12 janvier 2015. Faudra-t-il qu’on s’en souvienne. Que nous fassions quelque chose !


Fig. Carte de failles d’Haïti

Duverna Rigaud.

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