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Monday, February 16, 2015

REPENSER LE CARNAVAL HAITIEN


Le mot carnaval dérive du mot latin « carne vale. Ce qui veut dire "adieu à la chair", c’est la transition vers le temps liturgique de carême. Le carnaval est une activité socio-culturelle  que l’on retrouve dans certains pays du monde dont : le carnaval de la Martinique, de la Guyanne, de la Dominique, du Brésil et le carnaval d’Haïti.

Durant les jours qui précèdent le mercredi des cendres, premier jour de Carême,  les pays européens d’inspiration chrétienne épris de paganisme avaient l’habitude de manger à saturation et de s'adonner à toute autre débauche. Pour le sociologue Laenec Hurbon, le carnaval est une période où les peuples font une représentation globale de leurs cultures sous plusieurs aspects (politique, social et économique) et retracent la liaison entre leurs points de départ et leurs points d’arrivée en tant que société.
En Haïti, le carnaval est introduit par le truchement du système colonial esclavagiste. Dans la colonie C’est le seul loisir dont l’esclave bénéficiait et c’est normalement en dehors des pratiques vaudouesques qui pour leur part étaient clandestines. L’esclave ajoutait à ses mythes, ses légendes, ses danses, ses chants importés d’Afrique ce qu’il voyait faire le colon blanc qui lui-même, avait emmené de la vieille Europe ses masques, ses pirouettes désopilantes » Nicolas L. Pauyo, dans le Nouvelliste 1e mars 2001.
Le carnaval national haïtien s’est officialisé  1927 avec la première  reine : Mlle Duplessis alors que les premiers rois jusqu’en 1937 furent des mannequins qu’on faisait promener durant les trois (3) jours, puis brûlés devant la tribune officielle. C’est ce que l’on appelle le « Boule Madigra » Toutefois, ce n’est qu’en 1948 on a pu permettre le défilé du carnaval dans la soirée et la clôture se faisait à huit heures du soir.
Les déguisements étaient généralement des costumes traditionnels, avec un goût poussé pour les styles tainos et certains personnages caricaturaux de l'histoire comme  Charles Oscar ce bourreau qui a fait son nom dans l’armée haïtienne. Sur le plan musical, l’histoire retient certains groupes comme Soleil Brillant venant du Bel-Air (première bande à pied),  l’Ensemble Webert Sicot avec Cadence Rampas, celui de Nemours Jean Baptiste avec compas direct. Dans les années 70-80, Gypsies/ Difficiles ; DP Express/Scorpio, Les loups Noirs, Bossa Combo, Coupé cloué, Tropicana,etc.Avec des musiques pour le moins entrainantes que les carnavaliers dansaient en fredonnant les refrains pendant les trois jours-gras.  De plus en plus, des changements sont apportés dans le carnaval qu’il s’agisse sur le plan musical, le décor des chars allégoriques sans oublier l’apport des participants caractérisé principalement par les déguisements, les couleurs et le déhanchement au rythme des meringues et des slogans des bandes à pied qui assurent de manière originale cette fête de réjouissances populaire.
Cependant, au fil du temps le carnaval haïtien a tendance à perdre de son aspect artistique. D’une part les musiciens se laissant emporter par la fièvre du moindre effort ont tendance à sacrifier l’art au profit du gain facile. D’autre part, le ministère de la culture ne fait rien pour orienter les productions carnavalesques vers le standard de produits culturel  vendable aux touristes qui visitent les caraïbes en quête de distraction et d’émerveillement. L’organisation même du carnaval se dégrade. Le choix des groupes ne fait pas en fonction de la qualité du travail et du thème à traiter ; d’ailleurs, le thème est souventes fois donné à quelques semaines du déroulement des festivités carnavalesques, ce qui donne peu de temps aux groupes pour faire œuvre qui vaille. Certains groupes musicaux reviennent inlassablement avec les mêmes mélodies. Il suffit de trouver quelques bribes de phrases et un slogan    « voye mayo anlè » pour que la meringue soit prête. Du Point de vue logistique, le défilé commence généralement à une heure tardive. Ce qui entraine une congestion du parcours laissant peu de place aux troupes de danse, les groupes artistiques et les bandes à pied pour leur performance alors que le contrôle des décibels des chars musicaux n’est pas assuré par les organisateurs. Ainsi, le carnaval se résume de nos jours à une guerre de décibels et de slogans pour le moins dégradant soi en direction des autorités, des groupes rivaux et malheureusement parfois à l’égard des femmes qui prennent un drôle de plaisir à s’amuser avec leurs « pantalon san fouk »  sous des propos leurs dévalorisant. Cette réalité fait l’affaire des commanditaires qui bénéficient de l’attention  d’une jeunesse en dépravation graduelle pour qui toute l’année civile n’est que  « carnaval ».
Toutefois, le carnaval national haïtien est un potentiel culturel et touristique qu’il convient de valoriser et de rentabiliser. Le produit est vendable sur le marché caribéen et peut s’ouvrir vers des touristes d’autres continents en quête de climat agréable et d’amusements qu’Haïti offre à bon marché au moment où le froid fait rage chez eux. Pour ce, il faut de la bonne planification, de l’organisation et de la créativité. Les couleurs, les chorégraphies, la diversité musicale sont autant d’atouts à organiser et développer. J’insiste sur l’aspect organisation car, celle-ci fait vraiment défaut dans la réalisation du carnaval, il y a de cela quelques décennies.  Il faudra combiner les différences dans un tout de manière esthétique pour rendre attrayant notre carnaval surtout en réduisant le taux de violence qui caractérise ces festivités. Ceci aura à coup sûr des répercussions saisonnières sur la production agricole et artisanale ; la mode et l’architecture avec d’autres effets d’entrainement non negligeables  pour l’économie du pays et pour la production artistiques.
Duverna Rigaud

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